Introduction l Imprégnation l Domestication l Débourrage l Dressage

Journal d'un dresseur

IMPREGNATION

Première partie : le début de cette histoire commence par l'imprégnation et la domestication de 7 poulains de 2 et 3 ans, la mise en place du matériel, le positionnement et la détermination du dresseur par rapport à son environnement autant humain qu'équin.

Vendredi 10 juillet 1992
Matinée : Installation de la sellerie dans la cave. Achat d'un caveçon, d'un licol, d'une chambrière et d'une longe de travail à Guéret (Creuse).
Après-midi : Achat de 9 licols, d'une longe à Montluçon ; première sortie de 4 chevaux de 2 et 3 ans. Il s'agit de 2 entiers et de 2 juments, le troupeau a été mené par la route sans grande difficulté jusqu'à un corral sous un hangar.

Samedi 11 juillet
Matinée : nettoyage d'une sellette de trait et d'un collier de travail, un mors " verdun " et 2 licols en cuirs, il s'agit d'un matériel de récupération qui demande quelques petites réparations. Capture de 2 petites juments de 3 ans à "Treignat " avec l'aide de Jean Claude et Dominique : comme le premier lot, jamais touchées par la main de l'homme,( à part un traitement de vermification l'année précédente), habituées à vivre avec un troupeau de vaches. Il a fallu les rabattre dans un petit enclos, pour les séparer des bovins qu'elles suivaient dans une cavalcade effrénée, Après les avoir canalisées dans une écurie fermée, nous avons pu leur passer un licol autour du nez non sans mal avant de les faire monter dans une remorque pour rejoindre leurs frères et sœurs. Elles ont été installées dans la deuxième partie du corral, attachées pour la première fois sans difficultés particulières.

Après-midi : capture d'un entier " Clyde " du premier lot, passage du licol, mise en place avec la contribution de Jean Claude de 10 anneaux d'attache dans le hangar. Transfert des 2 juments " Carmen et Bonnie " dans une petite écurie annexe - le plafond est trop bas – l' une des juments panique et casse le mousqueton de la longe.

Dimanche 12 juillet
Matinée : nettoyage des râteliers- les habitudes alimentaires des chevaux étant limitées à l'herbe verte des prés, je leur donne du foin, du pain dur, du grain et un peu d'herbe fauchée, pour qu'ils s'habituent à d'autres saveurs et changent leur alimentation future. Leçon d'attache pour les 2 juments de "Treignat " qui le resteront une bonne partie de la journée, pansage avec la brosse douce. Capture d'un petit entier de 2 ans, très gentil sans violence. Il a aimé tout de suite mon morceau de sucre.
Après-midi : capture de la jument grise, passage du licol, en douceur, mais à la première attache, mouvement de panique, la jument passe sous l'attache d'un entier, celui-ci tire et casse sa longe. Re-capture de la jument grise, mais cette fois- ci au lasso ; pose d'un licol puis attache jusqu'au soir.

Déplacement des 2 entiers dans une écurie isolée en raison de l'excitation que provoquent les 2 juments de "Treignat " qui sont en chaleur », l'entier qui a un licol m'a promené avant que je décide de lui passer la longe dans la bouche.
Soirée : Promenade des 2 juments à l'extérieur pour les faire brouter ; mouvement de panique Il est encore prématuré de sortir les chevaux en longe - retour de celles-ci dans le corral. Isolation d'une jument noire de 2 ans dans le paddock du milieu -
la jument angoissée envoie les pieds et cherche à mordre. Sa capture au lasso avec Jean Claude est violente, je lui passe un licol et lui fait faire quelques tours au pas pour la remettre en confiance, ainsi que la jument grise. Sommaire de cette journée : prise de position ferme de la part du dresseur, tous les chevaux ont un licol, sauf le deuxième entier très craintif ainsi que l'étalon et les poulinières qui sont au pré. Répartition des chevaux sur l'espace ; les entiers sont isolés dans l'écurie, les 2 juments de "Treignat " ensemble d'un côté du paddock et la jument grise et noire
de l'autre côté.

Il est a remarquer l'acclimatation particulièrement brutale mais néanmoins nécessaire de ces chevaux notamment pour deux d'entre eux. La formule consacrée est " le matage de la bête " par la violence pour un gain de temps mais aussi d'économie. Les poulains de l'année ne sont donc pas pris en charge dès le départ, ni les poulinières, en raison de leur destination future, c'est à dire la boucherie. Aussi la situation présente est - elle différente ; d'où la patience et la fermeté exigées du dresseur vis à vis des " chevaux apprentis " mais aussi envers les hommes qui ont eu en charge ces animaux.

Lundi 13 juillet
Matin : 5h30 le chant du coq - 7h00 curage de l'écurie des entiers - 8h00 petit déjeuner, 9h00 séance d'attache des juments de "Treignat " sans difficulté, puis de la jument de trait grise et de la petite noire très difficile. Avec l'aide de Joëlle et Stéphanie, je réussis à les attacher sans dommage. La jument noire s 'est longtemps défendue, Des entraves ont été nécessaires, mais la patience des jeunes femmes et de quelques morceaux de sucre ont fini par la faire céder. Après les séances de lasso d'hier, les deux juments stressent à l'approche de l'homme. Il faut faire très attention de ne pas se faire mordre ou taper.

Dominique a coupé de l'herbe fraîche pour les chevaux, En effet la fenaison étant tardive cette année en raison du mauvais temps, il n'y a plus de fourrage engrangé.
Après-midi : séance de pansage pour tout le monde sauf un des entiers, qui n'a toujours pas son licol. L'autre est attaché et est résolument très calme. Les chevaux ayant bien supporté l'attache tout ce jour, je décide de prolonger l'expérience cette nuit, car demain aura lieu le rallye culturel local été convié par Jean-Claude. Par conséquent, je serai obligé de les relâcher à nouveau toute la journée de mardi.

Mardi 14 juillet
Grand rallye culturel en voiture de tourisme à travers toute la Creuse, le Cher, l'Indre et l'Allier en compagnie de Marie et Marie Louise ; Au programme : châteaux, églises, énigmes, corps de fermes, devinettes…Le tout " arrosé " au moulin dit de Fretaix, Vielles à roues, bourrées et mon accordéon diatonique que je n'avais pas oublié.

Mercredi 15 juillet
Matinée : 2 licols de trait donnés par un agriculteur voisin viennent achalander la sellerie, un pour « Ramos » et l'autre pour la jument de trait grise, ramassage de l'herbe fraîchement coupée par Dominique.
Après-midi : je vais chercher à Montluçon une commande de 7 licols en cuir échangés contre les licols en corde du début qui sont cassés.
Réparation d'un licol ; s éance d'attache de la jument grise et noire pratiquement acquis, mais qui reste méfiante, les oreilles se couchent, signe de défense.

Jeudi 16 juillet
Matinée : rentrée du 3e lot de chevaux - 500 mètres par la route dont une poulinière qui a déjà été montée, Elle s'appelle Gaby et se laisse manipuler - licol et attache sans problème. Son poulain a 8 jours, Il est né le 9 juillet, jour de mon arrivée à la ferme. Une autre pouliche Alezane de la même mère est âgée 1 an.
Elles font connaissance avec les autres, On enfile un licol au poulain - la pouliche est mise avec les juments noire et grise- la poulinière au pré derrière la maison.
Après-midi : capture au lasso du 2e entier - j'ai mis 2 heures à le maîtriser.
Après s'être étranglé plusieurs fois, il a très vite relâché la pression avec une longe courte et le plafond bas qui ne lui permettait pas de se cabrer. Il a très vite compris et à fini par accepter la pose de licol. Maintenant les 2 entiers sont attachés pour la nuit.

J'aurais souhaité passer plus de temps pour apprivoiser celui-ci, mais les mentalités concernant le dressage de chevaux dans la région se mesurent en termes de résultats rapides par conséquent violents plutôt que progressifs et qualité - je me heurte souvent à des notions de rentabilité immédiate qui me décourage un peu par rapport au travail réalisé depuis 1 semaine.

" La raison du plus fort est toujours la meilleure " : Jean de la Fontaine