Introduction l Imprégnation l Domestication l Débourrage l Dressage

Journal d'un dresseur

DOMESTICATION

*…La domestication commençait d'une manière brutale puisqu'on couchait le cheval après l'avoir épuisé…
…Wallace et Hoebel ont succinctement expliqué le cas de mustangs qui, une fois capturés, étaient montés pour la première fois dans l'eau après avoir été apprivoisés…

J'ai eu recours avec succès de façon instinctive dans le dressage de chevaux à cette pratique somme toute assez ludique avec de jeunes poulains de 2 ans.

Vendredi 17 juillet
Matin : pansage de tous les chevaux à l'attache. La pouliche s'est beaucoup calmée, elle se laisse approcher facilement. Les entiers sont toujours attachés tant que le 2e ne se laissera pas toucher.

Après-midi : préparation d'un manège et d'un carré pour faire tourner les chevaux. Enlèvement de la ferraille qui se trouve sur l'espace avec l'aide de Monsieur Duboclard. Les chevaux sont restés à l'attache toute la journée, il n'y a que la jument grise qui est sur la défensive.

Il faut s'en méfier et faire signe d'autorité ainsi que le premier entier Carnaval qui lui, fait preuve d'une grande audace.
La jument Gaby et son poulain sont avec les vaches et se portent à merveille, Dominique a ramené plusieurs meules de foin.

Samedi 18 juillet
Matin : fourrage pour tout le monde - Tous attachés sauf la pouliche -ration de carottes, pansage : la jument grise se laisse de mieux en mieux faire, le 2e entier également mais refuse toujours de se laisser toucher la tête et de se faire contourner. Il pourrait me coincer contre le mur de l'écurie.
Après-midi : suite du nettoyage du futur manège où je ferai tourner les chevaux, Installation de la clôture électrique. Les chevaux sont resté à l'attache toute la journée. RAS.

Dimanche 19 juillet

Matin : attache et pansage des chevaux. Pour la première fois la jument grise a pris un sucre dans ma main- le 2e entier fait toujours des bonds en arrière.
Il refuse catégoriquement que je lui touche la tête, c'est le jour et la nuit avec son frère ; visite des Pierres Jaumâtres et de Touly ste Croix site mégalithique.
Après-midi : visite chez Duboclard à la recherche d'une charrette pour le dressage à l'attelage ; pas de chance, elles sont toutes pourries.

Lundi 20 juillet
Matin ; Attache, pansage, visite au centre équestre des Hafligers près d'Huriel, activité principale : l'élevage ; le propriétaire est un frimeur, le maréchal ferrant est peu bavard, bref pas de voiture hippomobile en vue. A Lachassagne, visite de la voiture à 2 roues de Mr Duboclard dans une ferme voisine, je conduis la 2CV de Dubo, un véritable musée ambulant ; ses roues sont voilées Elle est inutilisable. Le jeune propriétaire de la ferme commence à discuter- il propose de me prêter son sulky le moment venu, pour le dressage des chevaux.
Après-midi : très grosse chaleur, aménagement du manège, clôture…Ramassage de l'herbe coupée. Mr Duboclard a été cherché une meule de paille, la moitié est restée en route, Jean Claude s'est chargé d'en ramener une 2e.

Mardi 21 juillet

Matin : attache, pansage - la pouliche se laisse brosser jusqu'à l'épaule - installation de la clôture, dégagement de la ferraille avec Duboclar.
Après midi : piquets de clôture, déblaiement de tous corps étrangers devant l'écurie, souvent enterrés sous la terre et pouvant blesser les chevaux. Je vais à la ville de Gueret acheter 2 longes de travail afin de commencer la partie débourrage des chevaux capables d'entamer cette 3e partie de leur nouvelle vie. Visite chez Paul qui va me prêter une dresseuse pour le débourrage à l'attelage, Paul fait de l'attelage amateur. Il a un élevage de moutons et 4 chevaux. Il m'invite à les visiter un jour de pluie, c'est- à -dire un jour où il n'a pas trop de travail.

Mercredi 22 juillet
Matin : attache et pansage des chevaux : j'ai attaché les 2 juments de Treignat à l'exterieur du hangar pour les brosser. Je vais à la coopérative de Boussac acheter 3 poignées de clôture et 1 longe. Le propriétaire de la boutique est bougon et rustre.
Après-midi : déblayage du manège, suite et bientôt fin…Je vais à Montluçon acheter un couteau de chaleur, 2 longes de travail et un stick, récupération de la longe et du 3 e licol en corde, installation du boîtier clôture sur secteur. Soirée : tension des rubans de clôture, alimentation des chevaux, paille et grain aplatis.
J'ai oublié de rentrer du foin de Treignat…
Le cuir qui est dans la sellerie est en train de moisir; il faut changer la sellerie de place.

Jeudi 23 juillet
Matin : attache des chevaux à l'extérieur du hangar 2 par 2 pour le pansage afin qu'ils ne se battent pas et que si l'un d ‘eux tire au renard, il ne communique pas sa panique aux autres. Apprentissage de donner les pieds. La jument grise Baronne s'est beaucoup améliorée. J'ai approché le 2e entier encore transi de peur. Peignage des crinières et queues avec l'aide de Joëlle.
Après-midi : déblayage des derniers bouts de ferraille qui reste dans le manège. La clôture est terminée; fauchage de l'herbe devant les anciens bâtiments où je vais poser les anneaux d'attache.

Soirée : caveçon et longe pour le 1er entier Clyde, les 2 juments de Treignat : Bonnie et Carmen. La jument noire Charlotte a une belle allure au trot ; tous les chevaux ont tourné dans le manège 20 minutes chacun, trot vers le pas et pas vers le trot, chambrière claquement de langue, changement de mains aux 2 allures, bonnes attitudes et bonnes réactions de part et d'autres, retour aux écuries avec longe et chambrière.

Vendredi 24 juillet
Matin : attache et pansage des juments à l'extérieur, apprentissage de donner les 4 pieds : 1 pied donné = 1 sucre donné. La jument grise Baronne s'est encore améliorée.
Après-midi : séance de longe pour tout le monde, sauf le 2e entier Carnaval pas encore au point et la pouliche de Gaby pas encore attachée – ok pour les 2 juments de Treignat : Bonnie et Carmen. Trot, pas, arrêt et récompense avec arrêt sur le cercle; la jument grise Baronne est ok; clyde est parfait mais un peu mou. Charlotte la jument noire, une catastrophe. Après s'être échappée avec sa longe, elle me fait tourner dans la cour de la ferme pendant 1 heure. Jean Claude m'aide à la récupérer pour la faire entrer à nouveau dans le manège. Cette jument a probablement paniqué à l'idée de quitter ses congénères restés au hangar. C'est une partie des plus difficile à ce stade de la domestication et au début du travail/débourrage où le dresseur a besoin d'être seul avec son élève : faire accepter au cheval l'idée qu'il est en sécurité avec le dresseur, toute la difficulté est de lui enlever un peu de son instinct grégaire naturel.

Samedi 25 juillet
Matin : attache et pansage à l'extérieur, donner les pieds. Peignage des crinières et queues. En fin de matinée un incident s'est produit : la gazinière de Marie a disjoncté, il s'en est fallu de peu que tout explose.
Après-midi : Changement de place de la sellerie qui était dans la cave. J'ai tout accroché à une poutre là où se trouvent les chiens de Stéphanie, près de l'écurie des 2 entiers. Travail à la longe pour tout le monde, la jument noire Charlotte essaye de sortir du manège. Dès qu'elle passe la sortie, il faut être très vigilant, elle résiste fortement à la main même avec le caveçon. Elle reste très instable par rapport à Carmen une des jument de Treignat .

Voici 15 jours que je suis arrivé à Lachassagne, je peux enfin, entamer la phase débourrage des chevaux après celle de l'imprégnation qui se poursuit toujours surtout avec le 2e entier et celle de la domestication. Sous le regard attentif des personnes qui me voit évoluer, et par rapport au temps que je me suis donné pour effectuer ce travail (jusqu'à l'automne) je pense pouvoir monter sur leur dos d'ici 3 semaines si tout se déroule normalement.

Je dois dire qu'autrefois, tout ce travail méthodique d'éducation mais aussi de sélection était effectué par les agriculteurs. Après l'apparition du tracteur le cheval n'est plus rentable par son aspect force de traction agricole, guerre…et de moins en moins pour la viande de boucherie. Les éleveurs contraints de rentabiliser leur exploitation ont complètement perdu cette notion si chère au dresseur dont c'est devenu le travail.

* FRANCHINI Maria
« Les indiens d'Amérique et le cheval » Edition Zulma