En selle pour Compostelle |
Bonjour,Je suis guide équestre et grand voyageur devant l'éternel, c'est avec plaisir que je vous écrit quelques mots sur mon périple Jacquaire. Le chemin d'Arles est un des 4 chemins principaux qu'empruntaient les pèlerins de Saint Jacques de Compostelle dont celui de Paris,Vezelay, le Puy en Velay. Le chemin d'Arles réunissait tous les pèlerins orientaux qui arrivaient d'Italie et des pays limitrophes vers l'Espagne, son rayonnement religieux et culturel présage déjà au moyen âge de l'europe d'aujourd'hui, en témoigne encore de nos jours les centaines de bas reliefs et monuments de cette europe chrétienne. Le cheval est résolument avec la marche à pied le moyen de locomotion le plus naturel, il renoue avec le nomadisme de nos ancêtres; une telle aventure, 1900 kms, 70 jours de Fréjus à Compostelle permet de mesurer le temps "réel", c'est à dire la symbiose qui existe entre l'homme et son cheval et la terre mère. Retrouvez ici un article du Monde, pour faire rêver ou pour faire un grand galop dans le temps...
A tous les aventuriers bien cordialement, Vincent Folatre
vincentfolatre@yahoo.com
vfolatre@free.fr
Il y a plusieurs manières de prendre le chemin de
Saint-Jacques:
un jeune guide équestre en administre la preuve.
Aller pédestrement à Saint-Jacques-de-Compostelle est redevenu à la mode comme lorsque un évêque du Puy lança le pèlerinage en 951. Depuis que le Conseil de l'Europe, il y a dix ans, a proclamé la route du Campus Stellae, «premier itinéraire culturel européen », en moyenne 50 000 jeunes piétons convergent d'un peu partout chaque année vers le sarcophage d'argent de Jacques, apôtre de Jésus. Le chemin de Santiago est derechef un classique, et de la foi et du voyage. A Santiago, depuis 1 200 ans, tout est fait pour recevoir chaque arrivant, avec ou sans destrier.
Vincent Folatre, moniteur équestre varois d'une trentaine d'années, vient, lui, d'innover en parcourant à cheval en 72 jours les 1900 km reliant Fréjus à Saint-Jacques-de-Compostelle, où il est parvenu à la veille de Noël. Il y pensait depuis longtemps, ce grand brun féru de canassons et assez remonté contre le tout-autoroute ; il y pensait surtout depuis qu'il avait traversé la France en biais, le cul sur la selle, de Provence jusqu'en Bretagne. Cet itinéraire neuf avait aguerri son corps mais son esprit était resté sur sa faim.
La Via Tolosana qu'il a empruntée - l'une des quatre voies médiévales menant de France vers Santiago - est au contraire toute enduite d'histoire et de spiritualité : « Ma quête, outre le défi physique de se surpasser de nouveau, était, je crois, celle du sacré, plus qu'une quête proprement religieuse », explique le cavalier au patronyme ludique, dont le départ fut béni par un franciscain. Bien sûr, Vincent ne put suivre partout exactement le parcours choisi, pour cause de macadam ou de haies, mais il a fait au plus près, par sentiers et champs, s'aidant seulement des cartes de l'institut géographique national et de deux guides publiés par des randonneurs pyrénéens.
« Le plus difficile, ce fut sans doute au départ, sur la Côte d Azur, car c'est la région la plus habitée du trajet. » Près d'Aix-enProvence, des pandores facétieux ont même demandé au voyageur « la carte grise des montures », la jument blanche Nina, « une camarguaise de dix ans plus ou moins bâtarde », et le hongre Nounours, « un demi-trait comtois de six ans ». Le jeune hippomane emploie spontanément le vieux mot français de « hongre », forgé à la fin du Moyen Age pour nommer les étalons castrés à la façon de Hongrie et des Huns... Il poursuit: «La jument a fait les 1900 km avec une endurance jamais démentie, que nos étapes soient de 20 ou de 60 km par jour (les piétons peuvent couvrir 40 km par jour). Quant au cheval coupé, à mi-parcours il n'a plus pu avancer et il a fallu le remplacer par un autre hongre, de souche roumaine. »
Vincent n'a pas été seul avec deux chevaux durant tout le trajet : de Fontvieille (Provence) à Logrono (Espagne), soit sur un millier de kilomètres, il a été accompagné par Jutta Hischen, infirmière quadragénaire d'origine allemande, qui ne pratique l'équitation que depuis trois ans. « C'est seulement faute de temps que Jutta n'a pas pu aller jusqu'à Saint-Jacques. Pour elle comme pour moi, la totalité du voyage était faisable comme pour toute personne sportive en bonne santé. Un tel exercice vous rend d'ailleurs vite résistant. Nous n'avons même pas attrapé un rhume ! En plus, l'automne nous fut clément, même si nous avons trouvé la neige au Somport. Ce qui est sain aussi, c'est que souvent on chemine à côté des chevaux et puis on s'arrête, on voit passer renards, sangliers, biches, rapaces. »
Les marcheurs sont parfois assimilés par les sédentaires à des vagabonds. «A cheval, c'est différent, on en impose de prime abord ! » Partout, sauf quelquefois sur la Côte d'Azur ou dans le delta du Rhône, la mini-caravane a été bien accueillie, y compris les animaux, qui consomment pourtant chacun en 24 heures 8 kg de grain et 8 kg de fourrage. Par hippophilie, par curiosité amicale, les hôtes - souvent trouvés à la dernière minute ont la plupart du temps tenu à recevoir gratis cavaliers et chevaux, devenant ainsi, consciemment ou non, des hospitaleros comme jadis. « En Espagne, on savait d'emblée où nous allions, et le bon accueil allait encore plus de soi. Il y eut évidemment aussi les étapes traditionnelles dans les monastères, où l'absence de chauffage est compensée par la chaleur de la réception. »
Tout son périple a coûté 15.000 F à Vincent Folatre. II n'avait pas songé à se faire parrainer par une association, une marque ou une personnalité ; son « aventure » serait passée inaperçue sans une info dans Var Matin ; il n'avait pas réfléchi non plus à une possible exploitation commerciale du chemin équestre de Saint-Jacques, mais d'ici et de là des amateurs lui proposent maintenant de le prendre comme cornac et de repartir. Si Vincent accepte, « ce sera avec 7 personnes grand max !». Il sait d'expérience que cohue et bavardage ne permettent guère de retrouver le sens du sacré et de la nature, l'équilibre en somme.
L'autre récompense, ce sont les pauses, par exemple à Saint-Guilhem-le-Désert, merveille romane dans une gorge du Languedoc, ou Burgos, avec sa cathédrale, summum de folie gothique, financée par des bergers pour abriter les restes du Cid et de Chimène. II y a enfin de véritables découvertes, tel en Aragon le village-fantôme de Ruesta, privé de ses terres par un barrage depuis un demi-siècle et resté seul, superbe, vide, à l'exception d'une auberge pour pèlerins à pied, « mais où nos chevaux purent quand même, ainsi que partout, trouver asile comme nous ». Et au final, il y a le Champ de l'Etoile : Santiago et ses 114 clochers et ses 36 confréries jacquaires et où, depuis douze cents ans, tout est fait pour recevoir chaque arrivant, avec ou sans destrier. C'est quand même à Compostelle que fut « inventé » Jacques, le saint matamore traversant le ciel sur son coursier.
Carnet de route :
Lectures : outre les guides sur
la route de Compostelle publiés par l'Association des randonneurs pyrénéens (9,
rue Latapie, 64000 Pau), lire Le Grand Chemin de Compostelle de Jean-Claude
Bourlès, Payot, Prix du livre d'aventure décerné par la Guilde du raid, ou Le
Guide du pèlerin de Saint jacques-de-Compostelle, présenté par Jeanne Vieillard;
chez Vrin, et qui est la traduction d'un guide en latin du XIIe siècle.
Renseignements : Vincent Folatre, 83530 Agay, France. Tél. : 04-94-19-12-33.
Prochain départ en septembre et octobre 99, en 6 parties
au choix.
Article de Jean-Pierre Péroncel-Hugo, paru dans le Monde du 15/1/98
Un peu d'Histoire...
La vénération des reliques, à l'origine des pèlerinages, est issue de la dissolution de l'empire Romain, des invasions et de l'anarchie qui s'en suivit. Les martyrs se détachent alors comme des figures emblématiques à vénérer. Une certaine stabilité revenue à partir du XIème siècle, grâce au système féodal, trois pèlerinages au long court se détachent : Jérusalem, Rome et Compostelle. Jérusalem, c'est le plus lointain et il nécessite des expéditions armées, les croisades. Rome, à la même distance que Compostelle, n'est pas de tout repos aussi, à cause de la traversé des Alpes et de l'administration de l'Italie du Nord, sous tutelle du Saint Empire Germanique, alors en conflit interne. Compostelle, quant à lui, à l'avantage d'être associé à une action spirituelle et temporelle alors très forte, la Reconquista, la reconquête de l'Espagne chrétienne face aux Sarrasins. La partie espagnole chrétienne comprend alors beaucoup de garnisons de soldat, ce qui rend plus sûr sa traversée.
Saint Jacques, l'un des premiers apôtre du Christ, avait évangélisé l'Espagne. Ses reliques, ramenées de Terres Saintes, sont à Compostelle, non loin de la mer. En 844, il est apparu aux combattants, l'épée à la main; on le surnomma alors le Matamore, le tueur de Maures. Par l'action des grands ordres religieux, des hospices et des relais routiers vont apparaître, en France et en Espagne, le long des différentes voies menant à Compostelle.
Un document célèbre, écrit au XIIème siècle, le "Guide du Pèlerin de Saint Jacques" apporte des conseils aux voyageurs de l'époque. Pour son auteur, le Guide est fait " afin que les pèlerins aient soin d'éviter de boire les eaux empoisonnées, et de choisir celles bonnes, ainsi qu'à leurs montures ". Il met en garde aussi contre les dangers du voyage, comme ces passeurs de rivière en Gascogne, qui extorquent les passagers, et surchargent les embarcations qui chavirent; ainsi les passagers se noient, et les bateliers raflent les dépouilles des morts. Mais tout n'est pas sombre sur la route de Compostelle, par exemple, pour la Castille, il précise que " les chevaux y sont vigoureux et le pays fertile ".
Le succès du pèlerinage de Compostelle s'est perpétué au fil des siècles, car il reste un grand voyage où se mêlent sacré et profane.